A propos d’une exposition en Montpellier
C’est devenu une véritable obsession doublée d’un désir de revanche: on veut à tout prix réhabiliter des femmes qui ont joué un rôle dans l’art. Le cas d’Artemisia Gentileschi, qui a fait oublier le grand talent de son père, Orazio.
On a voulu vanter le talent de Nadia Léger, l’épouse biélorusse du grand artiste français. Du talent, elle en avait, mais pas au point de supplanter Fernand Léger. Même chose pour Sophie Taeuber-Arp, épouse de Jean Arp.
Sonia Delaunay, en revanche a été célébrée de son temps, surtout après l disparition prématurée de son époux, Robert Delaunay. Mais ce qui a valu pour les hommes a aussi valu pour les femmes. Je ne donnerai qu’un seul exemple Franciszka Themerson, qui n’a pas eu beaucoup de reconnaissance de son temps, tout comme d’ailleurs son mari Stefan, éditeur et écrivain remarquable, qui a vécu en Grande-Bretagne depuis la dernière guerre.
Bref, il y a sans doute des réévaluations à faire quel que soit le genre. Depuis un certain temps, cela est devenu un combat idéologique et un peu effrayant, et parfois excessif.
En ce qui concerne Gabriele Münter et Eudora Welty, il est vrai que bien peu d’entre nous connaissaient leurs travaux photographiques.
Deux femmes intrépides
La première, Gabriele Münter, née en Biélorussie en 1877, elle a été peintre. Elle a été la compagne de Vassily Kandinsky jusqu’au déclanchement de la Grande Guerre. Son œuvre picturale n’est pas méconnue. En revanche, on ignorait son œuvre photographique qui a été le fruit de circonstances particulières. Elle est allée voir des membres de sa famille aux Etats-Unis. Là, munie d’un appareil Kodak Bull’s Eye n°2, elle a sillonné le pays, des chutes du Niagara au Missouri.
De ces périples, surtout dans le sud des Etats-Unis, elle a su allier le réalisme au pittoresque sans aucune exagération. Elle a fait de nombreux portraits, avec talent, et s’est aussi intéressée aux Noirs qu’elle a pu rencontrer.
De plus, elle a aussi immortalisé de grands ouvrages industriels ou des pont, des trains, des navires, etc. Il n’y a rien de systématique dans sa démarche. C’est la pure curiosité qui l’a guidée. Et c’est surtout la curiosité qui a été le principal ingrédient de ce qu’elle a pu saisir au cours de son long voyage.
Quant à Eudora Welty (1909-2001), originaire de Jackson dans le Mississippi, elle s’est d’abord intéressée à la vie des Noirs de cette région où ils sont sortis de l’esclavage au terme de la Guerre de Sécession. Elle a aimé montrer leur vie quotidienne, la vie qu’ils mènent éloignés des Blancs qui les méprisent et continuent à les traiter comme des êtres inférieurs.
Elle s’est plu à montrer leur singularité, mais aussi l’esprit de leur culture. C’est là un reportage des plus intéressants. Elle n’a pas eu l’intention de dénoncer leurs conditions misérables, mais plutôt de mettre en avant ce qu’ils ont d’attachant. C’est une quête qui ne peut laisser indifférent.
L’exposition en Montpellier
Si ce n’est pas la révélation de deux génies méconnus du siècle dernier, cette exposition et ce catalogue très complet permettent de faire la connaissance avec deux femmes qui ont eu le désir profond de faire connaître des faces pas toujours connues des Etats-Unis au début du XXe siècle.
Gabriele Münter & Eudora Welty, Pavillon Populaire, Montpellier, jusqu’au 20 septembre. Catalogue: Editions Hazan,144 p., 29, 90 euro.